L'histoire de
l'eau Abenakis.

Encore avant l'Abenakis Springs Hotel...

Le début de l'histoire Abenakis

Les premières eaux minérales offertes au public québécois furent distribuées par des importateurs de vins de Madère et d’Espagne, de bières
de Bristol et du pays de Galles.

En 1776, Robert Willcocks annonce des eaux minérales dans la Gazette de Québec. En 1799, le même journal
publie une annonce de Denis Breton dit Dubois, «possesseur d’eaux minérales au bout du faubourg Saint-Jean…».

Fournissant déjà ses eaux aux dyspepsiques du faubourg, il est tout fier de citer le certificat qu’il tient du docteur J. Mervin Nooth, alors médecin chef de l’Hôpital Général de Québec: «Ayant examiné, les eaux minérales… je suis d’opinion que dans bien des maladies, elles peuvent être un remède très utile.
S’il y a faiblesse dans l’estomac et tes intestins, l’usage de cette eau peut tendre à augmenter les pouvoirs de la digestion, et peut rendre les évacuations naturelles plus réglées et plus efficaces. Dans les maladies de la pierre, cette eau peut être très salutaire, et dans les cas d’acidité dans les premiers passages, elle peut devenir
d’un secours particulier».

Pub Abenakis SPring (002)

Une carte géographique anonyme de 1820 indique une source d’eau minérale, mais cette eau se distingue des quatre autres cours d’eau connus, comme le ruisseau Saint-François ou Prévost, les fontaines du Sault-au-Matelot, de Champlain, et particulièrement celle dited’Abraham Martin ou Claire-Fontaine.

Cette dernière, enfouie sous une maison construite peu après la Conquête, fait depuis l’objet de recherches.

Quoiqu’on ne puisse situer précisément cette source, Jean-Baptiste Dussault semble relancer le même établissement en 1841.

Il réside alors au 142 de la rue Saint-Jean, vraisemblablement à l’ancienne adresse de Breton dit Dubois, car les numéros civiques venaient d’être modifiés.

Dussault loue par bail La fontaine d’eau minérale du Québec et avise, dans le Canadien, qu’il a préparé un logement convenable pour les dames et messieurs qui voudront prendre les eaux, ll ose espérer que l’attention qu’il donnera à cet établissement fera revivre la renommée de cette eau presque oubliée depuis quelques années par l’indifférence du propriétaire».

En 1863, le géologue T. Sterry Hunt signale cette source d’eau minérale dans un rapport.

Au faubourg Saint-Jean, sur la propriété de Joseph Hamel, coule une eau sulfureuse, renommée pour sa teneur en sulfates, sel commun et carbonate
de soude.
Dans la rue Saint-Georges (actuelle côte d’Abraham), James Anderson opère une brasserie dès 1824. Son eau provenait d’un puits artésien et sa bière avait bonne réputation.

Cette eau, disait-on à l’époque, possédait des vertus thérapeutiques:il n’en fit point commerce, toutefois.

eau de source naturelle Abenakis Spring Hotel

De découvertes en découvertes

Le thermalisme apparaît au Canada au début du XIXe siècle. Les sources de Caledonia, près d’Hawkesbury en Ontario, sont connues depuis 1806. Au Québec, l’eau saline du Point-du-Jour près de l’Assomption trouve son héraut en l’abbé J.M. Bellanger dès 1826, comme il l’affirme dans la Minerve en 1851. 

En 1825, au moment de leur découverte, les sources de Saint-Léon de Maskinongé engendrent un retentissant procès, que perdit le seigneur de Yamachiche, Louis Gugy. Dans ses contrats de concession, spécifiant mines, minières et minéraux, il a omis de se réserver le droit aux sources.

Chaque nouvelle découverte suscite l’intérêt de la population, et surtout la convoitise de certains commerçants qui croient détenir une «fontaine
de Jouvence».

En 1842, la Minerve déplore néanmoins «notre indolence et notre manque d’industrie: on n ‘a pas su encore tirer avantage des différentes sources minérales que nous possédons dans le pays». À la vérité, l’exploitation des sources prend de l’ampleur. Outre celles de l’Assomption et de Saint-Léon, quatre autres voient le jour.

En août 1831, Antoine Brodeur fait construire une petite maison à une demi-lieue du village de Varennes, avec toutes les commodités pour y
prendre des bains chauds et des bains froids.

Les propriétés thérapeutiques de cette eau sont reconnues. Consommée à hautes doses, elle produit un effet purgatif. Le docteur Joseph Painchaud la recommande également sous forme de bain pour les paralysies, les rhumatismes, les écrouelles et la faiblesse musculaire.
On exploite d’autres sources à Berthier, Sainte-Geneviève-de-Batiscan et Saint-Maurice.

Dans ce dernier village, sur une terre de l’honorable René-Joseph Kimber, trois excellentes sources coulent à quelques mètres de la rivière Champlain. La Gazette des Trois-Rivières décrit en 1847 les eaux minérales du Cap-de-laMadeleine, «connues et vantées pour leurs propriétés médicales par des médecins français qui les ont visitées avant la Conquête».

En 1850, le locataire des sources de Berthier, Alfred Coutu, vend son eau minérale saline au verre et au gallon grâce à l’Écho des campagnes.
Une autre eau de source, baptisée «l’eau divine» par l’abbé Côté, qui l’emploie dans sa pharmacopée de service, coule à Sainte-Genevière-deBatiscan.

Communément, la population la désigne comme «l’eau rouge» en raison de sa composition: peroxyde de fer, colcotar ou rouille de fer.

Cette eau divine à laquelle on ajoute une grande cuillerée de colcotar dans une chopine d’eau bouillante constitue une lotion excellente pour guérir les plaies. Diluée davantage, elle soulage l’inflammation des yeux.

En 1850, à La Providence, près de Saint Hyacinthe, M. Saint-Germain découvre une source. En 1851 et 1852, les rapports de la Commission géologique du Canada mentionnent que l’eau de Saint-Joseph de Chambly, bicarbonatée et chlorurée, ressemble à celle de Vichy (France).

Cette aquarelle de James pattison montre la boutique du marchand d'eau minérale de saint jean quebec
Cette aquarelle de James pattison montre la boutique du marchand d'eau minérale de saint jean quebec

Au risque de ne pas les citer toutes, évoquons les autres sources exploitées au cours des années 1870 à 1890: les sources commercialisées sous
l’appellation Abénaquis, à Saint-François-duLac; celles de l’Epiphanie, à quelques arpents de la rivière l’Achigan (1883); les sources Radnor (1894), sur la rive droite de la rivière du Lard, paroisse de Saint-Maurice. En 1893, une source sulfureuse surgit alors qu’on fore un puits dans la ville de Joliette. Selon L’Étoile du Nord, cette eau a «un goût curieux, légèrement sulfureux,
rappelant beaucoup les eaux de Pougues (France)».

On crut même un temps que Joliette deviendrait une station thermale!

En 1895, débute l’exploitation de la source Saint-Justin. 

Naissance du thermalisme

Quelques sources donnent naissance à plus qu’un simple griffon. On les aménage en station thermale, avec hôtels, facilités de loisirs, repos et plaisir, un peu à la mode de Saratoga (État de New York) ou de Caledonia. Citons, à titre d’exemple, les sources Abénaquis, qui se proclament le Carlsbad du Canada: eaux minérales et bains qui guérissaient le rhume, les maladies des reins et du foie, la dyspepsie. Un feuillet publicitaire évoque le traitement «des affections
catarrhales de l’intestin, des affections scrofuleuses et glandulaires, de la goutte, du rhumatisme et de la cirrhose du foie. Les inhalations
d’eau saline traitaient l’inflammation chronique du larynx, du pharynx et des bronches».

Construit vers la fin de la décennie 1880, l’hôtel Abénaquis Springs tombe sous le pic des démolisseurs en 1943, à l’exception d’une annexe convertie en usine d’embouteillage et détruite par un incendie en 1975.

Découvertes en 1828, les eaux sulfureuses de Potton (municipalité de Potton-Masonville, comté de Brome) furent commercialisées en
1875 par la construction d’un hôtel. Grâce à une ligne de chemin de fer, les voyageurs s’y rendent fort nombreux.

Entre 1850 et 1900, la station de Saint-Léon-de-Maskinongé connaît une grande popularité. Sur place on retrouve un grand hôtel de 154 chambres, un bâtiment pour le jeu de quilles,
des remises et des écuries pour les voyageurs, des courts de tennis et un terrain de croquet.

Durant le saison estivale, l’élite canadienne française du temps se retrouve à Saint-Léon: de
nombreux ecclésiastiques et hommes politiques y séjournent.

L’établissement de Varennes comprend deux
édifices: une grande maison en brique de quatre étages et un bâtiment en bois de deux étages.

En 1860, M. Brodeur vend le tout au curé de Varennes et l’établissement devient un hospice jusqu’en 1870, année où La Saline reprend sa vocation première, mais pour menacer ruine au début du XXe siècle.

Un déclin rapide

Toutefois, à l’instar des développements que connaît l’industrie de l’embouteillage dans les
marchés des boissons gazeuses et de la bière, les eaux minérales tombent elles aussi peu à peu
aux mains d’importants manufacturiers, tels les Charles Gurd, Joseph Christin, Robert Allan et Canada Dry, pour ne nommer que les plus
connus.

Avec les travaux municipaux de canalisation et de filtration, ces manufacturiers et embouteilleurs délaissent peu à peu les eaux minérales célèbres et utilisent désormais l’eau des villes. Ainsi, Gurd ne se procure plus d’eaux de Varennes à compter de 1915 et cesse de distribuer celles de Caledonia vers 1920.

Les propriétaires de sources eux-mêmes cessent d’embouteiller leur eau. La prohibition accélère ce déclin. Dans la plupart des municipalités, la vente
des boissons alcooliques ralentit, et il n’est plus indispensable de les couper avec de l’eau minérale…

 

Source:

Cap-aux-Diamants
La revue d’histoire du Québec

À votre santé
Les eaux minérales du Québec
Par Robert Germain